Sous le régime des talibans, sera-t-il encore possible pour les filles d’aller à l’école ? Pashtana Durrani veut le croire. Hors de question pour la fondatrice et directrice de l’ONG « Learn » de baisser les bras. Avec son organisation, soutenue par l’Unicef, elle compte permettre l’apprentissage à tous les Afghans, garçons et filles, hommes et femmes.
RFI : Vous vivez cachée depuis que les talibans ont repris le pouvoir. Craignez-vous pour votre vie ?
Pashtana Durrani : Oui, je dois craindre pour ma vie à cause de la situation actuelle et le désordre qui règne dans le pays. Je change régulièrement d’endroit pour rester en sécurité. Il n’y a aucun doute, les talibans font du porte à porte pour chercher ceux qui s’opposent à eux et ceux qui se sont opposés à eux dans le passé.
Quitter l’Afghanistan comme des dizaines de milliers d’autres, est-ce une option que vous envisagez ?
Là où je me trouve, il m’est impossible de fuir. Donc non, je ne partirai pas. Se réfugier à l’étranger est bien sûr une option, mais il y a des gens ici qui dépendent de moi, je ne peux pas les abandonner. Mis à part cela, je veux absolument pouvoir rester dans mon pays.
Êtes-vous encore en mesure de continuer votre travail au sein de l’ONG « Learn » dont la priorité est l’éducation des filles ?
Actuellement, nous négocions avec les proviseurs d’écoles. Ils me disent tous que les écoles restent encore fermées, mais nous espérons qu’elles rouvriront leurs portes rapidement. Les talibans ne peuvent pas garder les écoles éternellement fermées. Sinon, nous tâcherons de trouver de nouvelles méthodes d’enseignement afin d’assurer l’éducation des filles. Ce qui compte le plus est qu’elles peuvent apprendre en toute sécurité.
Les parents vont-ils oser envoyer leurs filles en classe ?
La question n’est pas d’oser ou pas envoyer sa fille à l’école, c’est tout simplement une nécessité. Nous réfléchissons déjà à l’ouverture d’une école non officielle, clandestine. La technique satellitaire peut nous aider à faire parvenir le contenu des livres scolaires vers nos élèves. Nous avons déjà quelques expériences avec des applications qui fonctionnent sans connexion internet. Nous allons poursuivre notre objectif : l’apprentissage doit être accessible à tous les élèves sans exception, même ceux et celles qui n’ont plus d’accès à une école physiquement. Il y aura des solutions, même si les écoles restent fermées. Les enfants veulent apprendre et les filles feront tout pour pouvoir continuer à apprendre. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur apporter notre aide.
Observez-vous déjà une certaine résistance vis-à-vis des talibans ?
Il existe un mouvement de résistance civile. Ce n’est pas forcément une résistance contre le régime des talibans, mais une volonté de préserver l’Afghanistan pour que les futures générations n’aient plus à subir ce chaos. Les gens veulent être impliqués dans le nouveau gouvernement, ils veulent faire entendre leur voix. En ce moment, l’Afghanistan est un pays pris en otage. Les gens se sentent comme des otages. Les uns veulent partir à l’étranger, les autres réclament une vie en sécurité en Afghanistan. Moi, je continuerai à faire ce que j’ai à faire ici et à dire ce que j’ai à dire. Je me dis que les talibans ne sont pas assez puissants pour me faire taire. Je resterai maître de mon destin, je ne me laisserai