Pas pour sa beauté, pas pour son extravagance, pas pour ses tubes, on ne connait par cœur qu’un seul : Tous les garçons et les filles de mon âge se promènent dans les rues de Paris… et les yeux dans les yeux, et la main dans la main… ils s’en vont, amoureux… On avait un disque 45 tours.
Cela fait déjà plus de 50 ans. Dans les années de collèges, quand on voulait montrer qu’on est branché, on s’intéressait à la chanson française et on tombait amoureux. On s’est intéressé à Brigitte Bardot, à Jean-Paul Belmondo, à Sheila, à Sylvie Vartan et autres. Des filles portaient ces noms. C’était la génération ‘’Yéyé’’. Il est arrivé qu’au collège de Coléah, dans les années 67, 68, 69, toutes les belles de Guinée se sont donné rendez-vous. Il y avait un club de 7 filles, « Les cousines Yéyé », les plus en vue de l’établissement. J’avais mon idée sur l’une d’elles. Des filles portaient des noms d’artistes françaises en vogue.
Un jour, le bruit a couru que Emile Cissé voulait devenir principal de Coléah. La consigne est passée de bouche à oreille qu’il ne faut jamais accepter qu’Emile Cissé devienne principal de Coléah. Les évènement de mai en France inspiraient. Heureusement, les autorités avaient l’ouïe fine, c’eût été la première vraie révolte dans l’enseignement en Guinée, à côté d’elle, la première révolte des enseignants et élèves de Guinée des Djibril Tamsir Niane, le père de quelqu’un, des Réotra, le père de Baba Traoré, un ami de classe, des Kaba Bah, le père d’un autre ami… de 1961, considérée comme la première révolte des enseignants et des élèves de Guinée, n’était que de la limonade. Coléah était sur pied de guerre contre la venue de Emile Cissé pour ce qu’il aurait fait à Kaledou… on n’a eu vent de cela que de bouche à oreille, mais ça a bien passé. Et si Emile Cissé avait réussi à forcer la situation, personne ne sait ce qui allait advenir de votre narrateur, plus volontaire dans ce genre d’insurrection que tout le monde. Ce petit pan de l’histoire cachée de la Guinée est peu connu. Seuls les gars de Coléah de 1967-68 se rappelleront.
A l’époque, on se mettait en rang pour la rentrée en classe de 8 heures et de 15 heures. La fille la plus en vue de l’établissement, la plus huppée, quitta son rang de la 6ème 8 pour venir jusqu’en 6ème 11 pour emprunter ma règle. Le professeur de dessin était Aboubacar Camara, le futur journaliste Bouba Camara de la radio. Son exigence pour la présentation de tous les instruments de dessin était redoutée par ses élèves. Que la cheffe des « cousines yéyé » vienne droit à moi pour emprunter ma règle, alors que cent autres lui auraient donné la leur avec empressement, avait attiré les regards d’envie d’une partie de l’établissement. Une fille de notre classe a dit : « Sidibé, la plus belle fille de l’école est tombée pour toi. Tu sais que c’est la cheffe des « Cousines yéyé », mais tu ne sais pas que c’est l’homonyme de la femme de Diallo Téli, le secrétaire général de l’OUA. Un homme averti en vaut deux ! » … Nom d’une pipe mal allumée !
Les « Cousines yéyé » me rappellent des Françoise Hardy et autres qui me rappellent mes années de jeunesse. On n’a plus entendu de Françoise Hardy depuis un long bout de temps. Elle s’est rappelée à nos souvenir, en s’en allant, et en s’en allant, elle nous rappelle les cousines Yéyé. Voilà ce qui devait arriver, même à Françoise Hardy, arriva avec la nouvelle de sa mort. Les souvenirs des « cousines yéyé ». Voilà l’inconvénient de parler de l’histoire.
Françoise Hardy s’en est allée. Avec elle, les plus belles séquences de notre jeunesse revivent dans notre pensée, plus vivaces que jamais.
Que son âme repose en paix pour ce qu’elle a apporté à beaucoup de personnes comme souvenirs et de joies de jeunesse.
Moïse Sidibé