Les images sont cauchemardesques. Des corps inanimés jonchent le trottoir et les sas d’entrée. Des hommes en tenue de camouflage, les visages dissimulés par des cagoules, tirent à bout portant sur des gens qui s’entassent dans un recoin. Du sang. Des cris. Des coups de feu. Une fusillade a éclaté quelques minutes avant le début d’un concert du groupe de rock Piknik, dans le centre commercial Crocus City Hall, dans la ville de Krasnogorsk, en périphérie de Moscou. Entre la deuxième et la troisième sonnerie qui annonçait le début du concert, racontent les témoins. «Nous attendions le début du ­concert du groupe Piknik et la salle a été prise d’assaut par – je-ne-sais-pas-qui – des terroristes, des militaires… Ils portaient des vêtements bruns. Ils ont commencé à tirer sur les gens avec des fusils automatiques. Tout le monde s’est mis à courir. Il y a eu une terrible bousculade. Tout le monde paniquait, s’allongeait sur le sol, s’écrasait les uns les autres. En ce moment, le Crocus derrière moi est en feu. Il a été incendié», raconte un témoin cité par le site Meduza.

Un journaliste de l’agence RIA Novosti a rapporté qu’au moins trois personnes en tenue de camouflage ont fait irruption dans le parterre en tirant à l’arme automatique. Ils ont ensuite lancé une grenade ou une bombe incendiaire, ce qui a déclenché un incendie. Les spectateurs encore présents dans la salle se sont jetés au sol entre les fauteuils. Au bout de quinze à vingt minutes, ils ont commencé à sortir en rampant. Sur une vidéo qui a circulé très tôt, on entend distinctement les coups de feu, espacés, pas en rafale, comme si les assaillants prenaient le temps de choisir leur cible.

Au moins 40 morts et 100 blessés

Au moment de la fusillade, plus de 6 000 personnes auraient pu se trouver dans la salle de concert de 6 200 places, Piknik jouait à guichets fermés vendredi soir. Les premiers chiffres officiels ont été communiqués par le FSB vers 22 heures à Moscou : 40 morts et au moins 100 blessés.

Alors que des gens commençaient à quitter le Crocus, plusieurs explosions se sont produites. Le bâtiment a pris feu, partiellement englouti par les flammes, sous un ciel noir. Une partie du toit s’est écroulée, selon les témoins.

Les opérations d’évacuation ont commencé en même temps que l’assaut du bâtiment par les forces spéciales, dont trois unités successives ont pénétré à l’intérieur. ­Selon le ministère russe des Situations d’urgence, les pompiers sont parvenus à évacuer une centaine de personnes qui se trouvaient dans le sous-sol de la salle de concert.

Plusieurs heures après l’attaque, le flou régnait toujours sur l’identité des assaillants, comme sur leur nombre. D’après les images qui circulent, ils étaient au moins quatre, cinq selon certains médias. Les forces de l’ordre russes ont indiqué être «à la recherche» des assaillants. «Des unités spéciales de la garde nationale russe travaillent sur le site de l’attaque terroriste du Crocus City Hall. Elles sont à la recherche des criminels et évacuent les citoyens du bâtiment», a indiqué la garde nationale, Rosgvardia, sur son compte Telegram.

«Ils ont commencé à tirer à l’aveugle»

Les terroristes n’auraient pas rencontré de résistance armée de la part des gardiens, ces derniers n’étant équipés que de matraques. Avant l’attentat, aucun détecteur de métaux ne fonctionnait à l’entrée du complexe, et les agents de sécurité ne vérifiaient pas les sacs, a rapporté Mash, une chaîne Telegram proche des forces de l’ordre. L’un des gardes a raconté à Baza, une autre chaîne Telegram, que la fusillade avait commencé dans la rue, près de l’entrée principale de la salle de concert. «Lorsque les tirs ont commencé, je me tenais à l’entrée centrale, au rez-de-chaussée. Ils ont commencé à tirer depuis la rue, le verre est tombé immédiatement. Trois autres gardes se tenaient à l’entrée, nous nous sommes cachés derrière un panneau en bois et les assaillants sont passés à 10 mètres de nous. Ils ont commencé à tirer à l’aveugle sur les gens du rez-de-chaussée, puis ils se sont dirigés soit vers la salle de concert, soit vers l’aquarium. Lorsque les tirs se sont calmés, nous nous sommes dirigés vers l’entrée centrale, où les administrateurs aidaient déjà les blessés. Je n’ai pas vu de personnel de sécurité parmi eux, seulement des invités», a-t-il ­déclaré.

Deux heures et demi après l’attaque, qualifiée d’attentat terroriste par le parquet de Moscou, aucun groupe ne l’avait revendiquée. «Soyons clairs, l’Ukraine n’a absolument rien à voir avec ces événements», a assuré sur Telegram Mykhaïlo Podoliak, un conseiller de la présidence ukrainienne. «Bien sûr, ce n’est pas nous», ont fait savoir de leur côté les combattants du Corps des volontaires russes, l’une des unités paramilitaires pro-Kyiv et anti-Poutine, qui s’est spécialisée dans les attaques contre la région frontalière de Belgorod. «Nous soulignons que la Légion ne combat pas les civils russes», a déclaré un autre groupe Liberté de la Russie, qui rend responsable «le régime terroriste de Poutine».

Rapidement, la Maison blanche s’est dite «en pensées aux côtés des victimes de la terrible attaque» à Moscou. Un porte-parole a précisé n’avoir «pas d’indication à ce stade que l’Ukraine ou des Ukrainiens soient impliqués»«Je ne peux pas donner plus de détails», a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, en disant que les Etats-Unis cherchaient «à obtenir plus d’informations»«Je vous déconseillerais, à un stade aussi précoce, de faire un lien avec l’Ukraine», a-t-il toutefois déclaré. La France a de son côté dénoncé des «actes odieux» et demandé que toute la lumière soit faite sur l’attaque d’une salle de concert en banlieue de Moscou qui a fait au moins 40 morts. «Les images qui nous parviennent depuis Moscou sont terribles», a réagi le ministère français des Affaires étrangères dans un message posté sur X. «Nos pensées vont aux victimes et blessés et au peuple russe».

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