Le procès des évènements stratégiques du 28 septembre 2009 se poursuit au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la cour d’Appel de Conakry. Après les onze accusés dans ce dossier criminel, c’est au tour des parties civiles de défiler à la barre pour donner leur part de vérité et répondre aux questions du ministère public, des avocats de la partie civile et ceux de la défense. C’est le cas par exemple de Saran Cissé, une enseignante de formation, qui, hier lundi 23 octobre 2023, est revenue sur les atrocités dont elle a été victime ce jour fatidique.
« Quand j’ai remarqué que des gens étaient entrés dans le stade, je me suis demandé qui leur avait ouvert la porte. On m’a informée que c’était Tiégboro qui l’avait fait. À ce moment-là, j’étais accompagnée de deux amies. Nous avons installé des tables pour observer les leaders et prendre des photos. Peu de temps après, un incendie s’est déclaré au commissariat du stade, et certains manifestants ont prétendu qu’il y avait des bombes à l’intérieur. Cela m’a fait peur, et j’ai décidé de me rendre directement au stade. Une fille m’a cédé sa place, et alors que je cherchais un endroit pour m’asseoir, j’ai entendu des coups de feu. Des personnes sont tombées, et la panique s’est emparée de nous. J’ai crié, mais il était impossible de sortir par la grande porte. On m’a dit qu’il y avait une petite porte menant à l’université Gamal. En m’y rendant, j’ai remarqué des fils électriques par terre, ce qui m’a effrayée, et je suis retournée à l’intérieur du stade. Nous avons envisagé de grimper le mur, mais à un certain niveau, j’ai regardé en bas, et je n’ai pas continué. Le jeune homme qui me tenait a été touché par une balle et est tombé. Moi, de mon côté, je suis tombée de l’autre côté sur des briques. Mon oreille droite a commencé à saigner. Peu de temps après, j’ai vu deux policiers s’approcher de moi. J’ai dit au premier qu’il pouvait me tirer dessus, mais de ne pas me faire de mal, qu’il pouvait me tuer. Il m’a répondu qu’il ne me tuerait pas, mais qu’il me ferait un cadeau que je n’oublierai jamais. Il m’a giflée, et je suis tombée. Ils m’ont agressée et fait subir ce qu’ils voulaient. Après m’avoir laissée là, j’ai dû rester étendue jusqu’à 17 heures. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de sortir, car la Croix-Rouge venait prendre en charge les corps et les blessés. Je me suis dit qu’il était peut-être temps de m’échapper. À ma sortie, j’ai trouvé deux pickups. Lorsque les jeunes hommes arrivent, ils les faisaient déshabiller et ramper. Une policière a pris sa cravache pour me frapper. Cependant, un autre militaire qu’ils appelaient Capi a demandé de me laisser tranquille, car j’étais épuisée. Il nous a pris, moi, un jeune homme et une autre femme. Il nous a emmenés chez lui, à Landreyah, où nous sommes restés jusqu’à 18h30. Ses amis sont venus nous chercher dans la concession de sa mère. Il a eu peur et m’a dit de rentrer chez moi, car sa mère était âgée… »
Kèfina Diakité