La classe politique guinéenne décide de se mettre ensemble en formant une coalition dénommée ”CPP” afin d’accompagner la transition. Mais Dr Moro Mandjouf Sidibé pense que ce n’est pas nécessaire pour plusieurs raisons. Dans une interview accordée à notre rédaction, le président du parti Alliance des Forces du Changement (AFC) s’interroge sur l’importance des assises nationales annoncées par le chef de l’État. Ce médecin de profession est également revenu sur le délai de la transition et l’autorisation accordée à Alpha Condé pour aller se faire soigner à l’étranger. Lisez !

Kefinafasso: Des acteurs politiques guinéens décident de se mettre en place un collectif dénommé ”CPP”. Ils comptent désormais réfléchir et travailler sur la position du groupe par rapport à la constitution, au code électoral, à l’organisation des élections, au chronogramme de la transition et par rapport au fichier électoral. Quelle analyse faites-vous du rapprochement des différentes formations aujourd’hui pour parler de la transition ? 

Dr Mandjouf Moro Sidibé: Je me méfie des alliances, des coalitions. Je préfère que chacun émette ses idées.  Je pense que dans notre pays, on utilise des alliances à des fins personnelles. Certains pensent qu’en regroupant beaucoup de personnalités ou des partis sous leur coupe, cela leur donne du poids pour les séances à venir. A mon avis, les partis politiques doivent plutôt faire leur mea-culpa, organiser des congrès internes pour relever leur direction. Des changements doivent se faire à tous les niveaux. On ne peut pas faire du neuf avec les vieux. Les anciens dirigeants qui ont déjà participé à la gestion de notre pays doivent céder la place. Le véritable combat dans ce pays se situe à deux niveaux. Premièrement, le changement de mentalité. Deuxièmement le renouvellement complet de la classe dirigeante.  Si les anciens dirigeants reviennent au pouvoir après cette transition, le coup de force n’aura servi à rien. Ce serait un échec total. Le non recyclage ne doit pas concerner seulement les subalternes. On ne peut pas prendre les mêmes et recommencer. Si je peux me permettre de dire un mot sur la charte, il est dit que cette charte a attribué un certain nombre de places aux partis politiques. Ils ont trouvé cela insuffisant. Moi je pense qu’ils auraient pu s’abstenir au lieu de se tirailler pour les attribuer, laisser les postes aux technocrates pour rédiger un projet de constitution fiable. Je dis bien on pourrait entériner par une assemblée nationale élue. Les partis politiques devraient patienter jusqu’aux élections pour présenter leurs candidats.

Kefinafasso: Pour vous, quelle est votre position par rapport au délai de la transition et la mise en place du CNT?

Dr Mandjouf Moro Sidibé: C’est qu’on aurait pu faire de l’économie du  passage de cette transition par le CNT pour plusieurs raisons. D’abord pour éviter la remise en cause de son travail un jour par manque de légitimité. Les membres n’étant pas élus, ils ne sont pas l’émanation du peuple. C’est le principal reproche qui a été déjà fait à l’ancien CNT. Deuxièmement, on aurait gagné du temps pour ne pas allonger indéfiniment la transition. Troisièmement,  ça aurait pu faire éviter des dépenses à l’État qui a d’autres impératifs. Quatrièmement, on aurait pu éviter les tractations infructueuses des partis pour le choix des membres. Il faut expliquer le fait que le chronogramme va retarder. On aurait pu tout simplement abroger l’annulation de la constitution par le régime sortant qui semblait être accepté de tous, organiser des élections sur cette base pour mettre en place une assemblée élue de façon démocratique qui sera chargée de proposer une nouvelle constitution au peuple. On se souvient aussi de la polémique des parcelles attribuées aux membres de l’ancien CNT et les sommes faramineuses qu’ils ont été réclamées à la dissolution de leur l’institution.

Kefinafasso: Lors de son adresse à la nation à l’occasion du nouvel an, le président de la transition a annoncé les assises bientôt en Guinée. Des voix s’élèvent déjà pour parler de piège et dire que c’est une manière de retarder la transition pour  faire comme le Mali.

Dr Mandjouf Moro Sidibé: Si au bout de trois mois, on peut se retrouver et discuter, il faut voir de quoi il faut discuter.  On discutera quoi pendant ces assises pour arriver à quel résultat ? Je pense que c’est ce qui est important. Si c’est intéressant, pourquoi pas. Les assises, est-ce que c’est un style comme l’Afrique du Sud ou au Rwanda. Je veux savoir ce que ça nous apportera pendant cette période de transition.

Kefinafasso: On va parler enfin des putschistes qui ont accédé à la demande de la CEDEAO pour l’ex président Alpha Condé. Il peut désormais quitter son pays pour pouvoir consulter ses médecins à l’étranger. Un acte réfuté déjà par plusieurs leaders politiques. Vous, quelle est votre position ?

Dr Mandjouf Moro Sidibé: Si l’ancien président souffre d’une pathologie qui n’est pas curable en Guinée, je trouve tout à fait logique qu’on le laisse partir se soigner. Vous savez moi je suis médecin avant tout. Parmi mes malades, il n’y a pas d’ennemis. Donc en tant que médecin,  n’importe quel malade doit aller vers là où il peut trouver de remède de sa maladie. Certains diront que le président Alpha Condé avait bloqué certaines personnes ici qui voulaient aller se soigner à l’époque. Ils n’ont pas pu sortir. Certes, c’est sa conception à lui. Mais pour nous, je pense que c’est tout à fait logique. Parce que s’il est atteint d’une maladie  qui ne trouve pas de solution et que quelque chose lui arrive ici, quel justificatif ceux qui auraient refusé qu’il parte auraient à dire?

Entretien réalisé par

Amadou Tidiane Diallo

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