GESTES. Militants civils, opposants politiques : emprisonnés pour avoir manifesté contre Alpha Condé, ils ont été libérés à la suite d’une promesse des militaires.
Il y avait foule ce mardi 7 septembre devant la prison civile de Conakry. Un premier groupe composé d’une dizaine de personnes, arrêtées notamment lors des manifestations contre le 3e mandat d’Alpha Condé, a commencé à être libéré. Parmi elles, les opposants Abdoulaye Bah et Étienne Soropogui, ou encore un transfuge du parti au pouvoir, Ismaël Condé, condamné à trois ans et quatre mois de prison pour des propos laissant entendre que seules les armes pourraient chasser Alpha Condé du pouvoir.
Une liste de 79 détenus libérables a été approuvée après des consultations entre les nouvelles autorités, l’administration pénitentiaire et les avocats des détenus, selon ces derniers. Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de mouvements politiques et de la société civile qui a mené la contestation, espérait initialement dès lundi la libération de ses membres emprisonnés.
Depuis sa réélection contestée, Alpha Condé multipliait les interpellations. Au total, 400 personnes auraient été interpellées arbitrairement à l’issue de la présidentielle du 18 octobre 2020. Et leurs conditions de détention étaient plus que préoccupantes. D’une capacité de 300 personnes, la prison civile de Conakry accueillerait environ 1 500 détenus, selon un rapport de l’Union européenne sur les droits humains et la démocratie dans le monde paru en juin dernier.
Les putschistes essayent de rassurer
Les forces spéciales disent avoir agi pour mettre fin à « la gabegie financière » et au « piétinement des droits des citoyens ». Elles ont dissous le gouvernement et les institutions et aboli la Constitution qu’avait fait adopter Alpha Condé en 2020 en invoquant ce changement de loi fondamentale pour se représenter après deux mandats, malgré des mois de contestation réprimée dans le sang.
« On est derrière Doumbouya », a déclaré à l’AFP Abdoul Gadiri Diallo, à Bambéto, banlieue réputée favorable à l’opposition régulièrement secouée par des heurts entre manifestants et forces de sécurité. « Il va très bien redresser ce pays-là, on compte sur lui. »
Pour un autre habitant de Bambéto, Kaba Kemoko Lamine, « le peuple attendait ça depuis fort longtemps et l’occasion était là ». Les militaires ont également commencé mardi à démanteler les postes mixtes armée-gendarmerie-police installés sur les principaux axes de la capitale, notamment en banlieue, qui permettaient au régime Condé, selon ses détracteurs, de juguler les manifestations.
Une junte sous pression
Les militaires emmenés par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, insistaient également sur la prochaine ouverture d’une « concertation » nationale pour définir les modalités de la transition politique conduite par un futur gouvernement d’union nationale dans ce pays à l’histoire politique mouvementée.
La coalition de l’opposition dirigée par l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo et opposant à Condé a exprimé son soutien au nouveau pouvoir militaire, l’exhortant à œuvrer en priorité à « la mise en place d’institutions légitimes capables » de « conduire rapidement le pays à la réconciliation nationale et à l’instauration de l’État de droit ».
Ces premiers gestes ont eu lieu la veille d’un sommet virtuel de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sur la Guinée. À la suite d’un putsch similaire au Mali voisin en août 2020, la Cedeao avait pris des sanctions, essentiellement économiques, jusqu’à ce que les militaires s’engagent sur la voie d’une transition de dix-huit mois maximum pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils issus d’élections.
Une délégation au Mali, conduite par le médiateur de la Cedeao dans cette crise, l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan, a d’ailleurs exprimé mardi son inquiétude quant au respect des échéances, se disant « préoccupée par l’insuffisance d’actions concrètes dans la préparation effective du processus électoral ».
L’épilogue de plus de dix années de régime d’Alpha Condé en Guinée a suscité une large réprobation internationale, notamment de l’Union africaine (UA) qui a appelé à la « libération immédiate » de M. Condé et au « retour à l’ordre constitutionnel ».
Par Le Point Afrique