PARCOURS. Pays à l’histoire mouvementée, le nouveau coup d’État militaire démontre que la Guinée doit se préparer à entrer dans une zone de turbulences politiques.
Pays précurseur des indépendances avec le Ghana, qui, en 1958, a dit « non » à l’association politique proposée par le général Charles de Gaulle, 63 ans plus tard la Guinée est une nouvelle fois au milieu du gué. La tentative de coup d’État qui a eu lieu dimanche 5 septembre à l’initiative des forces spéciales de l’armée guinéenne avec à leur tête le colonel Mamady Doumbouya démontre que la Guinée n’est pas encore sortie de la zone des turbulences politiques.
2 octobre 1958 : Ahmed Sékou Touré proclame l’indépendance, quelques jours après avoir refusé par référendum d’intégrer le projet de « communauté » franco-africaine proposé par le général de Gaulle, dont l’objectif était de réunir les futurs pays indépendants dans une large communauté avec la Métropole. Dans une flamboyante déclaration, Sékou Touré avait répondu à De Gaulle : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage. »
Cette indépendance politique n’est pas le seul motif de fierté nationale à cette époque. Pour éviter que la Guinée ne devienne un exemple dans le vaste empire colonial français, Paris exclut le pays de la zone franc, créée en 1945. C’est à partir de cette décision et toutes les tentatives de déstabilisation que Sékou Touré, avec bon nombre de cadres africains exilés en Guinée, crée le franc guinéen, ainsi que la Banque centrale de la République de Guinée. Des institutions fortes censées permettre au pays d’assumer sa souveraineté monétaire.
En janvier 1961, Sékou Touré est élu président.
1958-1984 : Sékou Touré au pouvoir
« Père de l’indépendance » et héros tiers-mondiste, Ahmed Sékou Touré troque rapidement ses habits de dirigeant progressiste pour gouverner d’une poigne de fer pendant 26 ans un pays exsangue. Le socialisme y est proclamé dès 1967. Pour assurer le train de vie de l’État, et soutenir les entreprises publiques, la Banque centrale fait fonctionner la planche à billets, créant ainsi une inflation importante.
Son régime est responsable de la mort ou de la disparition de 50 000 personnes, selon les organisations des droits de l’Homme, et de l’exil de centaines de milliers d’autres. L’ex-camp Boiro, en banlieue de Conakry, rebaptisé camp Camayenne, est le symbole de la répression sous Sékou Touré. Il est surnommé l’Auschwitz des Guinéens.
1984-2008 : Lansana Conté au pouvoir
Le 3 avril 1984, une semaine après la mort de Sékou Touré, un Comité militaire prend le pouvoir, dirigé par le colonel Lansana Conté qui dirige en maître absolu. Son régime fait face à une tentative de coup d’État en 1985 et à une mutinerie de soldats meurtrière en 1996.
23 décembre 1990 : nouvelle Constitution, et multipartisme
Lansana Conté est élu président en 1993, puis réélu à deux reprises lors de scrutins contestés ou boycottés par l’opposition. Son opposant, Alpha Condé, arrêté, le 14 décembre 1998, sera gracié le 18 mai 2001.
Début 2007, de grandes manifestations hostiles au « système Conté » sont réprimées, faisant plus de 180 morts selon les ONG.
2008 : coup d’État
Le 23 décembre 2008, des militaires prennent le pouvoir sans effusion de sang au lendemain du décès de Lansana Conté. Le gouvernement renversé fait allégeance à la junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara.
Le 28 septembre 2009, les forces de sécurité ouvrent le feu dans un stade où sont rassemblés des milliers d’opposants. Au moins 157 personnes sont tuées, plus d’une centaine de femmes sont violées.
En décembre, Moussa Dadis Camara est blessé par balle à la tête par son aide de camp.
2010 : Condé, 1er président démocratiquement élu
En janvier 2010, le général Sékouba Konaté, président par intérim, signe avec Moussa Dadis Camara un accord prévoyant un scrutin présidentiel.
Le 7 novembre, l’opposant historique Alpha Condé devient le premier président démocratiquement élu.
Le 19 juillet 2011, il sort indemne d’une attaque menée par des militaires contre sa résidence de Conakry.
Il est réélu le 11 octobre 2015, au terme d’un scrutin émaillé de violences et d’accusations de fraude.
2013 : épidémie d’Ebola
Fin 2013 commence en Guinée l’épidémie la plus meurtrière de fièvre hémorragique Ebola, qui provoque jusqu’en 2016 la mort de plus de 2 500 personnes dans le pays.
2019-2020 : 3e mandat de Condé
À partir d’octobre 2019, la perspective d’un troisième mandat de M. Condé en 2020 génère une contestation qui fera des dizaines de morts civils. Une nouvelle Constitution invoquée par Alpha Condé pour briguer un 3e mandat est adoptée le 22 mars 2020 lors d’un référendum boycotté par l’opposition.
Alpha Condé est déclaré large vainqueur de la présidentielle du 18 octobre 2020, malgré les protestations de son principal challengeur Cellou Dalein Diallo et d’autres adversaires qui crient à la tricherie.
Par Le Point Afrique